( Avec les écouteurs sur les oreilles :
Spotify : playlist "5 nuits au camping" - AG
Liste facultative : moon dance de Danny Elfman, Be my Doll d'Adrian Von Ziegler, Ghost Childrn de Bruno Coulais, Sister 1 de Jacob Renfield Boston, Meet Charlie de Douglas Pipes )
17 septembre 2024 - Première nuit
Un gros ronflement me fait sursauter et me sort du sommeil lourd dans lequel je m’étais plongé la veille au soir. Je me suis endormie si vite, moi qui est le sommeil si capricieux d'habitude. On dirait bien que le voyage pesant avec Marco m’a complètement vidé de mes forces. Les premiers jours aux Sables d’Olonnes n’avaient pas rallumé la flamme qu’il espérait tant revoir briller. Une ambiance lourde de sens s’était installée entre nous. Lorsqu’il m'a proposé ce voyage, je savais que rien ne pourrait sauver notre couple mais je l’ai laissé faire. C’est comme ça que j’ai toujours fonctionné, suivre ses délires, ses envies, ses caprices, même si cela me coutait. Et puis, peut-être ce voyage le convaincrait-il d'une rupture inévitable, m'étais-je dit. Pourtant, après 7 jours de voyage, sentimentalement vides, il n’avait toujours pas perdu espoir. C'est qu'il était coriace ! Il ne nous restait que 5 jours pour prendre une décision et j'espérais que ce serait pour lui le temps nécessaire à la compréhension qu'il serait inutile de continuer.
Les pensées se bousculent dans ma tête tandis que je me tourne pour observer le visage endormi de Marco. Il avait réussi à me convaincre de poursuivre le voyage, de lui laisser une chance jusqu’au bout de notre périple. Mais il arrivait bientôt à sa fin et je n’y voyais pas l’issue favorable si attendue. C’est la première nuit que nous passons dans ce camping de la Palmyre et déjà je ne dors plus. Cette relation… Quelle gâchis! Toutes ces choses que je n’avais pas voulu voir. Céline, ma meilleure amie, m’avait pourtant plusieurs fois mise en garde.
« Red Flag! » me soufflait-elle régulièrement, un sourire d’avertissement solidement dessiné sur ses lèvres fines.
Elle scrutait chacun de nos moments passés ensemble avec Marco et relevait les signaux l’avertissant d’une relation sans avenir. Vulgairement, Céline me mettait le nez dans ma merde chaque fois qu’elle le pouvait. Au fond, je les voyais aussi ces signaux… mais il était si beau mon grand blond aux yeux d’un bleu azur et au corps sculpté aux protéines et à la musculation. Oh pas besoin de le dire! Je sais à quel point j’ai été superficielle. Aujourd’hui, je me rends bien compte du ridicule... mais à l’époque je venais d’avoir 32 ans, ma première ride et je le vivais assez mal. C’était si bon de me sentir désirée par un homme esthétiquement parfait. Et puis, j’aimais particulièrement voir les femmes le convoiter. Le savoir "désiré" par d’autres nourrissait agréablement mon égo et la jalousie cimentait notre couple. Mais le temps avançant, l’ennui remplaça la jalousie. Il a bien fallu que je sortes de mon illusion. Il n'est jamais trop tard pour remettre en question la manière dont on s'attache à quelqu'un et j’en concluais que ce que je ressentais ne ressemblait en rien à l’amour. Quant à Marco, il est égoïste et narcissique. Lorsqu’il me regarde, il ne voit que le reflet de ma soumission et de mon admiration et c’est cela qu’il aime en moi - pas moi, juste son reflet dans mes pupilles. Sauf qu’aujourd’hui, je me rends compte à quel point cette vision de moi me déplait et combien de temps j’ai perdu dans cette relation.
Sortant un peu de ma réflexion, je me décide à regarder l’heure. Peut être est-ce une heure raisonnable pour me lever? J’avais très envie de sortir me dégourdir les jambes, histoire de fluidifier par la même occasion le fil de mes pensées.
4h14
Pas vraiment l’heure d’une promenade.
Je me tourne à nouveau vers Marco. Il dort à point fermé. Il n’a jamais eu de problème de sommeil comme moi. Il ferme les yeux et voilà, il dort. Pour cela, je l’envie. Mes nuits ont toujours été agitées et mes réveils définitifs, peu importe l’heure. Quand je pense que c’est lui qui m’a sorti du sommeil par ses gros ronflements, j’ai bien envie de le remuer violemment pour me venger mais je ne veux pas réveiller le bel au bois dormant. Il risquerait de m’appesantir de reproches ou pire, de me regarder avec l’air hautain qu’il sait si bien m’adresser. A la place, je me décide à me lever. Je prend mon sweat-shirt et ouvre la fermeture éclair me séparant de l’extérieur. Si on m’avait dit qu'un jour, je dormirais dans une tente, séparée de l’extérieur par une simple fermeture éclair, j’aurais certainement répondu que c’était mal me connaitre, moi qui suit si peureuse et que le moindre bruit affole. Et pourtant, je l’ai fait. Par besoin de vacances peut-être ... mais surtout parce que Marco n’arrêtait pas de se moquer de mes peurs. Pleine de fierté, je ne voulais pas lui donner raison. Cette fierté...vraiment...
A cette heure-ci, le soleil n’est pas levé. Le paysage a un air bien lugubre. Le calme règne dans le camping déserté par les vacanciers d’août et de juillet, partis faire leur rentrée depuis plusieurs jours. Peu d’emplacements sont occupés et une partie est abandonnée rendant la nature plus envahissante encore. L’établissement se situe dans une grande forêt de pins offrant à ses clients "l’aventure en pleine nature", comme le spécifie leur brochure. Carrément réussit ! L’apparence sauvage me fout carrément les boules !
Les lumières sont rares et l’obscurité règne. Le vent souffle dans les branches des hauts pins et quelques grognements de campeurs endormis complètent ce tableau peu rassurant. Le matin est glacial à cette époque de l’année. Un frisson parcourt le bas de mon dos. J’enfile mon gros sweat-shirt et allume mon portable afin de retrouver, dans le noir, le chemin de gravier blanc qui parcourt le camping.
Peu sûre de moi, je m’avance dans l’allée en direction des toilettes. J’espère ne pas me tromper de chemin. Nous sommes arrivés hier. Le plan du camping n’est pas encore net dans ma tête et le dédale des allées ne facilite pas mon repérage.
Pour ajouter à mon inquiétude, les sons de la nature ont quelque chose d’effrayant… surtout quand on ne voit pas ce qui nous entoure.
« Bon sang! Je suis une adulte, je ne vais quand même pas avoir peur du noir » me dis-je à voix haute, tel un coach encourageant son champion.
Soudain, un bruit sur la droite me fait sursauter. Je me tourne pour regarder mais le lieu vide est absorbé par les ténèbres et je ne peux percevoir ce qui en est à l’origine. Mon coeur, qui a connu un arrêt de quelques secondes, palpite désormais fortement. Quelque chose semble remuer les épines de pin accumulées sur le sol mais je ne prends pas le temps d’analyser plus amplement ce bruit. J’accélère le pas pour me diriger vers la lumière des sanitaires que je vois un peu plus loin. Enfin rassurée par le semblant de sécurité que m’apporte l’éclairage, je rentre dans le bâtiment et me dirige vers les douches - un lieu plus clos que les WC, directement ouverts sur l’extérieur.
« Quelle trouillarde, je fais! C’est la nature et y a sûrement des animaux partout! Arrrgghhh! »
J’entends alors une douche couler et mon regard se tourne immédiatement vers l’horloge accrochée au mur : 4h56. Qu’est-ce qui peut bien activer la douche à cette heure-ci? Le coeur encore palpitant de trouille, je me mets à genoux et penche ma tête sur le sol afin d’entrevoir ce qui fait couler l’eau. Fort heureusement, les portes et les séparations des douches sont surélevées d’une vingtaine de centimètres laissant entrevoir des pieds…ouf! Certes velus et sacrément grands. Mais bel et bien des pieds humains et non le vide spectral qui aurait été la cerise sur le gâteau de mes peurs infantiles.
« Je peux vous aider? »
Un nouveau sursaut me surprend. Cette nuit, mon coeur est mis à rude épreuve. Je tourne la tête afin de remonter le corps perché sur les grands pieds velus qui maintenant sont sorties de la douche. Un grand homme dans mes âges se dresse devant moi, les poings serrés sur les hanches, la tête penchée et le regard interrogateur. Je me redresse rapidement, gênée de paraitre plus voyeuse que peureuse.
« Je suis désolé, c’est juste que les bruits à cette heure-ci et l’obscurité m’ont un peu fait perdre mon bon sens. » lui répondè-je confuse.
Ce grand brun au regard sombre comme la nuit me dévisage l’air amusé.
« Je suis désolé de vous avoir fait peur. C’est vrai qu’on est en pleine nuit mais je ne suis pas bon dormeur » me dit-il avec un petit rire rauque trahissant son malaise.
Il tourne alors son regard sur moi dessinant un sourire rassurant sur ses lèvres. Nos regards se croisent et pendant plusieurs secondes, nous nous regardons sans vraiment parler. Je suis comme absorbée par ses yeux d’un noir si sombre. Mon coeur a repris ses palpitations plus fortes.
« Je m’appelle Arthur. »
« Lola. »
Arthur est un grand homme pâle aux cheveux brun hirsutes. L’eau de la douche ne leur a pas enlevé leur vigueur et il flotte autour de son visage d’une manière si désordonnée qu’on a l’impression que le vent souffle autour de lui. Son visage est marqué par un nez imposant et une cicatrice sur la mâchoire se dessine au milieu de sa barbe naissante.
Petites rides au coin des yeux marquées par le soleil - sourcil généreux - mâchoire marquée.
Cet homme ne porte qu’une serviette accrochée à ses hanches.
Larges épaules - musculature fine - torse couvert de poils. Que de poils sur cette homme ! On dirait qu’il n’en font qu’à leur tête! Bien loin des muscles ronds et de la peau scrupuleusement épilée de Marco.
Pourtant, mon coeur palpite et une léger émoi a remplacé la peur. Arthur a les joues qui rougissent et je me rends compte avec quelle impudeur je suis entrain de le regarder. Petite mateuse ! Je détourne alors les yeux sentant à mon tour mes joues chauffer.
« Alors vous avez eu peur à cause du bruit de la douche? » me demande-t-il pour briser le silence.
« Oooohh non! » répondè-je précipitamment. « C’est juste que j’ai entendu de drôle de bruit dehors alors j’étais sur le qui-vive. C’est ridicule, je sais. Ça doit être des animaux.»
« La nuit a de quoi nous faire des frayeurs, parfois. Moi aussi, j’ai été réveillé par un bruit. J’ai cru qu’on venait de gratter à ma tente.»
Arthur riait de bon coeur et cela me fit sourire.
« Et c’était quoi? » lui demandè-je, quand même intriguée.
« Certainement une branche qui a du s’envoler et atterrir sur ma tente, il y a beaucoup de vent ici. »
« Oui c’est vrai... Et bien! Me voilà rassurée » lui dis-je alors en lui décochant un clin d’oeil. Ben oui, tu croyais qu’un spectre frottait les tentes? Andouille! pensè-je, me sentant idiote
« Tant mieux si j’ai pu aidé ».
Sur ces mots, Arthur se retourne, me laissant ainsi deviner les petites fesses qui se dessinent sous la serviette et qui me font sourire involontairement. Il sort ses affaires et part vers l’extérieur. M’appuyant sur une porte, je souffle un coup et reprend un peu mon calme. Je crois qu’il est temps que j’aille aux toilettes et que je retourne à la tente.
17 septembre 2024 - Deuxième nuit - 23h38
Les yeux ouverts sur la toile qui nous surplombe, je me concentre afin de retarder le besoin d’uriner qui inévitablement me forcera à me lever. Hier soir, Marco et moi avions décidé de boire une bière au petit bar à côté de la piscine du camping. La journée avait été longue. Marco étant un fou de sport, il m’avait fait marcher une bonne partie de la journée à un rythme effréné.
« Allez! On traîne pas! », scandait-il à chaque fois que je m’arrêtais pour observer le paysage - comme si tout ce que l’on faisait dans la vie s’apparentait à de la compétition.
En rentrant au camping, j’avais aperçu Arthur au bar qui m’adressa un petit sourire. Mon coeur s’était remis à palpiter. Juste le croiser m'avait fait un bien fou.
Attablés au bar, Marco et moi buvions notre bière et je lui racontais alors ma nuit de la veille. Le barman essuyait les verres fumant, tout juste sortie de la vrombissante machine de plonge. Comme à son habitude, Marco se moquait et me donnait des conseils non sollicités sur ma façon de gérer mes peurs. Sa philosophie : manger avant de se faire manger. Pris à parti par Marco - il adore avoir un public - le barman arbora un air sérieux afin de nous raconter une histoire qui, une fois allongée dans l’obscurité de la tente, me fait frissonner.
« Vous savez votre copine a peut-être raison d’avoir peur. Il y a une rumeur qui circule ici depuis plusieurs années. Un gars me l’a raconté quand je suis arrivé au camping. Il me déconseillait de trainer dans les allées la nuit et je vous conseillerais la même chose. "
Il s'arrêta quelques secondes, ménageant un suspens certain.
"Il y a longtemps, quand le camping venait d’ouvrir, les alentours étaient encore plus sauvages. La forêt s’étendait largement autour et il était facile de s’y perdre. Une femme est venue camper avec sa fille de 6 ans. Elle a passé 4 jours au camping, profitant de l’espace extérieur et des alentours. Puis la nuit du 4ème jour, on dit qu’elle a abandonné sa fille en plein milieu du bois. On ne sait pas pour quel motif, tout ce qu’on sait c’est que le lendemain, on vit la mère partir seule et que les vêtements de l'enfant était encore entreposés dans la penderie du bungalow - des robes, des t-shirts, des shorts et même une peluche. Elle ne voulait vraiment pas qu’on la retrouve parce que malgré les appels du camping, les lettres, jamais cette femme ne repris contact."
Nouvelle pause...
"Quand à la jeune fille, elle n’a jamais été retrouvée. La disparition n’a pas mobilisé grand monde car aucune preuve tangible n’indiquait qu’un enfant avait été abandonné. Certains disent que perdue dans les bois, la fillette a du faire son possible pour survivre et que petit à petit, elle se transforma en une créature mi femme-mi animal, aux dents acérés et aux ongles affutés.Certains racontent même qu’en agrandissant le camping, on a fini par empiéter sur son territoire. Le camping a quadruplé de volume depuis son ouverture en 1920 alors, parfois, la fillette devenue adulte vient roder ici la nuit, cherchant dans les détritus des campeurs de quoi se nourrir. Si elle ne trouve pas de quoi manger, elle gratte au tente pour attirer les personnes à l’extérieur et leur piquer un peu de chair pour sustenter son appétit. »
« N’importe quoi » avait répondu Marco qui regardait le barman comme si c’était un fou, « c’est des histoires inventées pour attirer les touristes."
« Je ne vois pas quels touristes pourraient être attirés par cette histoire » lui avais-je répondu sèchement.
Haussant les épaules, Marco se tourna vers le barman l’air hautain. Il n’eut pas le temps de dire ce qu’il avait en tête que ce dernier continua son récit.
« Attendez, jusque là on peut se dire, qu’en effet, ce n’est qu’une histoire pour faire trembler les jeunes et attirer les personnes en mal de sensation. Mais le plus dingue, c’est qu’il y a deux ans, il y a eu un incident assez étrange ici. Ça a même été raconté dans le journal local. Je m’en rappelle, c’était ma première année en tant que saisonnier et ça ne m’avait pas rassuré."
Le jeune homme s'était éloigné et cherchait dans le tiroir caisse quelque chose. Un grand sourire se dessina sur son visage et il sortit fièrement un petit carré de papier journal découpé. Il me le tendit et bien que froissé, je pouvais voir la photo représentant bien le camping dans lequel nous séjournions.
Le barman continuait son récit ayant repris l'essuyage des verres.
" J’ai cherché ailleurs mais finalement, je suis revenu ici : mieux payé, horaires plus cool. Bref… Il y a deux ans, une femme avait été retrouvée au petit matin inconsciente derrière des sanitaires. Elle avait des marques de strangulations sur le cou, des morsures profondes sur le bras et des griffures sur tout le corps. Les secours ont été appelé. C’était la panique dans le personnel. Personne n’a jamais su ce qu’il s’était passé ou en tout cas, rien n’a jamais été divulgué. La femme, une fois réveillée, aurait dit que l’obscurité l’avait attaquée mais c’était pas très clair! Une chose est sûre, quelqu’un avait gratté à sa tente la nuit avant. »
Marco secouait la tête, désespéré d’entendre de telles bêtises. Quant à moi, l’histoire de la tente me rappelait ce que l'homme de la douche m’avait raconté et je ne pouvais m’empêcher d’y penser. Je bu alors d’une traite la fin de ma bière.
Maintenant, la bière avait envie de descendre et j’allais devoir me lever. Traverser à nouveau le camping ne me plait pas du tout. Un peu de courage gamine! Pourtant, je ne suis pas une enfant et je ne peux me permettre de croire aux légendes et autres rumeurs. Je me lève donc et ouvre la tente rapidement, décidée à me montrer courageuse. Bon ok… il fait sacrément noir. C’est donc d’un pas pressé que je me dirige dans un WC, m’y enfermant rapidement. Ma vessie n’a pas le temps de dire « ouf! » qu’elle est déjà vidée et mes mains déjà lavées. Moi peur? Pas du tout! Je ne perds pas mon temps c’est tout! Je me dépêche de faire le chemin en sens inverse, entouré par les bruits qui sont certainement dû à quelques animaux et non à une femme sauvage sur le point de me sauter au cou pour faire de moi son dîner. Improbable ! Regardant mes pieds pour éviter de croiser quelque chose qui dans l’obscurité serait plus suspect qu’un museau de renard affamé, je me heurte violemment à un torse. Je lève les yeux.
« Bonjour Lola ou devrais-je dire Bonsoir ?»
Arthur est devant moi, le sourire aux lèvres, les yeux levés à la recherche de la réponse à sa propre question. Il porte un sweat-shirt gris ouvert sur un t-shirt blanc et un jean. Je lui souris en retour.
« C'est surement Bonsoir. Désolé mes idées sont confuses. Je n’arrive pas à dormir. » continue-t-il.
« Pareil. » répondè-je
Subitement, un bruit sourd comme si quelque chose d’imposant tombait sur le sol se fait entendre à plusieurs mètres. Je sursaute et dans un élan, je me blottis contre le torse d’Arthur qui a le même air surpris que moi sur le visage. Il est aussi étonné de me voir contre lui qu’il est destabilisé par le bruit que l’on vient d’entendre. Arthur racle sa gorge comme pour reprendre une certaine contenance et porte sa main sur sa nuque pour la gratter compulsivement. Je m’éloigne de lui, les joues rouges.
« Bon pas de quoi avoir peur hein? » me dit-il.
Dans un premier temps, son regard gêné pivote de gauche à droite, puis il tourne ses yeux vers moi.
Mon visage doit trahir la peur qui m’habite et je me décide à lui raconter ce que j’ai entendu hier lorsque nous étions au bar. Les yeux d’Arthur grandissent, comme surpris par mon récit. Il doit certainement penser aux bruits qu’il a entendu la veille mais il cherche à faire preuve de vaillance et m’offre un sourire rassurant. Deux grands gamins apeurés, voilà ce que nous sommes !
Soudainement, un second bruit vient nous faire sursauter tous les deux. Putain de merde ! Il est plus proche. Quelque chose semble traîner lentement, difficilement sur le sol, emportant à son passage les centaines de petite épines réparties sur le sol. Comme si l’on tirait un corps! Le bruit se rapproche encore. Mon sang se glace, mon coeur s’arrête. Puis d’un coup, une énergie soudaine m'envahit. L’adrénaline fait une remontée fulgurante. Je prends la main d’Arthur et je l’emmène d’un pas à la limite de la course jusqu’aux sanitaires où la lumière règne à nouveau. Cet éclairage ramène un peu de clarté dans mon esprit embrouillé et la tension redescend. Vraiment ça fait un peu peur quand même ! Je me rends alors compte de ma main agrippée à celle d’Arthur, de la chaleur de sa paume dans la mienne. Mon coeur s’arrête une nouvelle fois et le rouge me monte aux joues. Je suis profondément embarrassée et je relâche mon étreinte afin de le libérer.
« Je suis désolée, j’ai eu peur. » Baffouillè-je.
« Pas de problème, je crois que j’ai eu peur aussi. » dit-il en se massant sa paume de main, désormais libre, avec son pouce.
Je le regarde faire embêtée.
« Vraiment encore désolé, c’est moi qui vous ai fait peur avec toutes ses histoires et en plus, je vous emmène avec moi sans prévenir.»
« Ah ah ah, oui c’est vrai mais c’est avec plaisir que je vous ai suivi et avec un peu d’empressement aussi » dit-il en riant.
Il m’a suivi avec plaisir ? Je m’arrête alors sur ses yeux afin de sonder le sens de ce qu’il a dit. Son regard brillant et intense se porte sur moi. Mon coeur s’emballe à nouveau. La chaleur m’envahit. Ma main encore marqué par sa chaleur est désormais moite. La peur la amener Lola, la peur, juste la peur ! Je me ressaisis avec difficulté et marmonne à nouveau une phrase en guise d’excuse.
« Oui je crois que ma frousse est contagieuse. »
Le rire d’Arthur s’élève soudain dans la nuit, inattendu, sincère. Je le regarde surprise dans un premier temps puis son rire contagieux finis par me dérider.
« Bon je vais retourner à ma tente, c’est mieux. »
Arthur a retrouvé un peu de son sérieux mais des rides de joie marquent encore son visage. Ses yeux me regardent à nouveau et semble trahir une certaine hésitation. Il me prend alors la main pour la serrer maladroitement. Le rouge aux joues, il s’en va, un peu embarrassé. J’ai bien envie de lui crier de ne pas me laisser mais après tout, je ne le connais pas et je ne souhaite pas me ridiculiser davantage ce soir.
Je me retrouve donc seule dans la lumière au milieu des lavabos. Je m’approche de la sortie, retenant mon souffle afin de pouvoir écouter plus attentivement les bruits extérieurs. Dehors, le calme règne. De temps en temps, un souffle de vent vient remuer les branches des immenses arbres se dressant au dessus du camping comme des barrières à la clarté lunaire. J’entends alors parfois des chutes d’épines ou de pomme de pin. Le bruit, qui, auparavant, m’avait fait frémir, a disparu. Mon coeur palpite à l’idée de devoir retourner à ma tente mais je ne peux rester dans ce lieu ouvert, qui une fois déserté par Arthur ne me rassure plus vraiment.
18 septembre 2024 - 3h125
Je suis rentrée dans la tente en marchant si vite que j’ai du mal à m’imaginer toucher le sol. Désormais enfermée, Marco à côté, je me sens plus en sécurité. Pourtant, je reste attentive à tous les bruits qui m’environnent. Je repense à ces sons étranges que nous avons entendu et je finis par sombrer dans un sommeil agité.
19 septembre 2024 - Troisième nuit - 2h175
Le nez sur mon portable, je fais défiler mon feed Instagram pour tromper le temps. Une fille qui effectue une chorégraphie élaborée - un homme qui distribue des bonnes nouvelles - une femme qui déballe des colis, … le monde continue à tourner et ça a quelques choses de rassurant.
La sieste que j’ai faite et notre dispute m’empêche de dormir cette nuit encore. Ma sieste, de 4h tout de même, a été interrompue par un Marco furieux devant mon manque d’effort pour sauver notre couple. Ce réveil était brutal. De nombreuses minutes se sont montrées nécessaires afin de m’extirper de la torpeur inhérente aux longs sommeils. J’étais si bien embourbée qu’il a pu, à loisir, me reprocher une bonne partie des trois ans que l’on a passé ensemble. Je ne referais pas le film, mais pour traduire ces remarques que je connais si bien : je ne m’adapte pas assez à lui et pour un égoïste comme lui c’est trop intolérable, bla bla bla. Même rengaine - Même mimique de pauvre malheureux - Rien de nouveau sous le soleil. Alors m’observant dormir durant l’après-midi, Monsieur tournait en rond, pensant à tout ce qu’on ne pouvait pas faire pendant ce temps-là. Je l’obligeais à rester assis à m’attendre et c’était vraiment la cerise sur le gâteau.
« Mais pars! Vis ta vie! Sans moi, loin de moi! » aurais-je du lui dire mais évidemment les bonnes répliques arrivent toujours après la bataille.
Et puis comment pouvait-il sauver notre couple si je ne pouvais pas être en admiration devant lui ? C’est sûr que c’est plus dur de faire grande impression sur quelqu’un qui dort! J’ai eu beau lui dire qu’il n’y a avait rien à sauver et que continuer ainsi n’améliorerait rien, il a préféré me reprocher encore et encore l’ambiance plutôt que de se remettre en question. Typique! Comment pouvait-il se remettre en question lui qui est si égocentrique.
Mes yeux perdus sur des images que je ne regarde même plus, je rumine. Ma colère nourrit mon éveil. Je rage de le voir dormir si bien à côté de moi, d’un sommeil du juste comme on dit. Pourtant je ne trouve pas cela juste. Tout ses reproches, tout ce qu’il semble penser lui revenir de droit, tout cela m’écœure et mon manque de discernement passé me submerge. Les yeux sur lui, une boule vénéneuse grandit alors dans mon estomac. Je sens les battements de mon cœur frapper dans ma gorge, comme un appel, un besoin de sortir. La tente semble se rétrécir sur nous. Je me sens étouffer, enfermée dans ce lieu exigu à côté de lui … Prisonnière! Au bord de la crise d’angoisse, j’attrape mon sweat-shirt, ouvre la tente et sort dehors prendre une grande bouffée d’air frais. Les larmes me coulent. Je me sens si misérable. Mon coeur palpite emprunt à la détresse et raisonne dans mon oreille, bourdonnant tel un insecte envahissant. L’air frais qui rentre dans mes narines me calme pour un moment seulement et une sueur froide remonte dans mon dos. J’ai besoin de boire. Je me dirige d’instinct vers les toilettes, fuyant l’obscurité qui m’oppresse, semblant n’être que le prolongement de mon angoisse intérieure. Présente et lourde, elle a bien du mal à se disperser. Des gouttes de sueurs perlent sur mon front. Pourtant, j’ai froid.
« Lola, vous allez bien? »
Une main vient se poser sur mon épaule. Sa chaleur, sensation extérieure, me ramène un peu à moi. Je me concentre sur la sensation comme accrochée à ma bouée de sauvetage et lève les yeux. Arthur est devant moi et me regarde l’air inquiet. Je lui esquisse un sourire peu convaincant en guise de réponse.
« Venez vous rafraîchir. »
Il me prend la main et me guide alors jusqu’aux toilettes.
Un coup d’eau glacial sur le visage me rend mes couleurs, perdues pendant ma bataille intérieure. Reconnaissante, je me tourne vers Arthur et le remercie.
« J’espère que vous n’étiez pas dans cet état après avoir croisé la fille abandonnée » me dit-il un sourire espiègle sur les lèvres.
L’atmosphère devient alors un peu moins lourde et je me surprends à sentir un sourire se dessiner sur mes lèvres.
« Non ça aurait sûrement été plus simple à gérer. »
Arthur prend son menton entre ses doigts et lève les yeux le temps de quelques secondes de réflexion.
« Je dirais que vous avez besoin de discuter et je ne sais plus quoi faire… à part vous chercher dans l’obscurité. C’est la seule activité qui anime mes nuits en ce moment.»
Les joues d’Arthur se teintent discrètement de rouge. Il cherche ses mots pour me proposer de rester avec lui.
« Oui je veux bien de votre compagnie, » lui dis-je en guise de réponse à une question qui restait en suspension sur ses lèvres.
Je me sens bien avec lui et j’ai, en effet, besoin de me confier.
« ah? Euh okay! »
Arthur sourit l’air ravi et me prend la main pour me guider hors des sanitaires. Mon coeur palpite mais cette fois ces battements raisonnent agréablement dans ma cage thoracique. Je le suis dans le dédale des allées jusqu’à sa voiture où il en sort un plaid plié, puis, jusqu’à la piscine. Elle se situe à l’entrée du camping et est entourée d'une clôture en bois limitant l’accès aux horaires non autorisées. Le bar, fermé à cette heure-ci, et l’emplacement réservé aux évènement sont accolés à la piscine. Un léger éclairage de chaque côté de l’écriteau de la devanture permet de lire.
D'un coup, Arthur saute par-delà les barrières avec une facilité déconcertante. On distingue faiblement les chaises longues disposées sous le bain de soleil. Avec des gestes maîtrisés, mon complice d’un soir vient me faire passer deux transats que nous disposons non loin du bastringue. Ce lieu est l’unique endroit du camping dépourvu d’arbre et il nous permet, grâce à la faible luminosité de ce soir, de regarder les étoiles.
« Parfait. » » soupirè-je a l’aise.
« Content que ça vous plaise. »
Le sourire d’Arthur est si sincère qu’il vient réchauffer mon petit coeur livré encore à l’angoisse, il y a peu. Notre proximité à ce moment-là et le sentiment de bienveillance qui émane de lui me rassure et je me livre - comme ça, sans introduction - le coeur ouvert - la bouche inarrêtable. Je lui raconte mon couple et sa rupture inévitable. Il ne se passe plus rien depuis longtemps et j’ai pris ma décision. Ne me demandez pas pourquoi mais il me semble important d'éclaircir ma situation à Arthur. Quoi qu’il en soit, je ne lui cache rien et lui parler me fait du bien même si ce récit me montre sous un jour pas très flatteur.
Arthur reste silencieux et m’écoute attentivement avec intérêt. Il rie parfois mais ce n’est jamais moqueur. Il détend juste mon corps et mon coeur avec son sourire.
Soudainement, le bruit de quelqu’un qui tombe à l’eau interromps mon récit et aussi les battements de mon coeur. Je me tourne vers mon voisin un peu affolée. Les yeux d’Arthur sont ecarquillés et regarde l’obscurité en direction de la piscine.
« C’était quoi ça? » lui dis-je, la voix tremblante.
« Y a quelqu’un. Vous avez besoin d’aide? »
Arthur s’est levé et approché de la piscine afin de mieux voir mais c’est peine perdue. La lumière n’est pas assez forte et les différents éléments entourant le lieu de baignade amplifient l’obscurité. Il se tourne alors vers moi. Ses yeux sont écarquillés.
" Tu vas bien? Tu peux aller chercher une lampe de poche?"
Mon coeur bat à tout rompre. Sans réfléchir, je cours jusqu’à ma tente non loin de là, l’ouvre rapidement et prend la lampe accrochée à l’avant. Marco grogne et remonte son sac de couchage sur son épaule. Je n'y prête pas attention bien trop concentrée sur mon objectif. Essoufflée, je retrouve Arthur qui n’a pas bougé.
« Le bruit a cessé? » lui demandè-je effrayée.
« Non, l’eau n’a pas cessé de remuer ».
Il me montre du doigt le liquide sombre. Les reflets des faibles lumières présentes au bar ondulent de façon inquiétante sur la surface. Elles montrent en effet qu’une activité a eu ou a encore lieu dans la piscine. Mon sang est glacé et je tend tremblante la lampe à Arthur. Il se tourne, pose sur moi un regard doux, prends la lampe de sa main gauche et de sa main droite enlace mes doigts. La lampe allumée, il la balade le long de l’eau. Nous nous déplaçons à mesure que le rayon se déplace afin d’explorer toute la surface de la piscine. Seul le vent se fait entendre. Celui-ci siffle fortement. J’ai la chair de poule. Le faisceau lumineux n’éclaire que de petit espace, le reste se maintenant dans une obscurité difficilement sondable. Le fond de la piscine est perdu dans l’ombre de la nuit.
« Regarde ! »
Arthur m’a lâché la main et me montre du doigt une flaque d’eau qui se trouve au bord du bassin.
« Oui on dirait que quelque chose est sorti de l’eau ».
Le coeur palpitant, je me dirige vers la barrière que j’escalade en invitant du regard mon compagnon à me suivre. Il me passe la lampe de poche et j’éclaire frénétiquement autour de moi pour être sûre que rien ne se cache.
Gauche - rien - Droite -rien non plus.
Arthur monte la barrière et je lui reprends la main, le regardant dans les yeux. Il me sourit doucement et cela me rassure un peu.
« Ne t’inquiète pas, ça doit être un animal. Le pauvre a du être surpris par l’eau avec la nuit. »
Je lui souris en guise de réponse et nous nous approchons de la piscine pour aller voir de plus près. L’eau remue encore.
Les jeux aquatiques me semblent si lugubres dans l’obscurité. Un clown à la peinture écaillé me sourit l’air macabre et je failli de glisser sur le sol. Arthur me rattrape alors de justesse. Sa main posée sur mon dos, mon torse touche le sien et mon coeur se met à chauffer une nouvelle fois fortement. Je suis très proche de lui et je peux sentir son coeur battre à tout rompre dans sa poitrine. J’espère que le rapprochement de nos corps en est l’origine. La lampe est tombée et nous éclaire faiblement. Je perçois à peine ses joues rougir et je lui adresse alors un sourire gênée. Mon compagnon me lâche et reprend la lampe tombée à terre. Nous continuons alors jusqu’à la flaque, le clown retournant dans les ténèbres - j'aurais vraiment préféré qu'il reste dans la lumière. La flaque est belle est bien présente et Arthur éclaire l’eau cherchant je ne sais quoi. Moi, je me décide à regarder autour. D’un coup, je me fige. Mon coeur s’est arrêté et je sens un frisson immense me parcourir le dos.
« Arthur, Arthur »
Ma voix presque étouffée le presse de venir.
« Merde. »
Arthur s’est joint à moi et devant nous, des traces humides de pieds ... de pieds qui ont bizarrement une forme humaine.
Un nouveau bruit se fait soudain entendre devant nous. D’un geste brusque, le faisceau de lumière est dirigé dans la direction du son. Quelque chose bouge rapidement et se dissimule derrière la grande statut d’écureuil qui marque l’entrée de la piscine. Arthur, surpris, laisse tomber une nouvelle fois la lampe. Encore plus affolée, mon coeur s’est arrêté une nouvelle fois. Je ne respire plus. Je me baisse et tente difficilement de récupérer l’objet, tatônnant le sol à l'aveuglette. Mes yeux ne peuvent se décrocher du rongeur en bronze qui cache derrière lui je ne sais toujours pas quoi. Je me décide quand même à jeter un regard pour pouvoir attraper la lampe que je n’arrivais pas jusqu’alors à saisir.
« Putain ça a encore bougé! » Arthur me secoue l’épaule.
Je me relève brusquement la lampe à la main et tente d’éclairer l’entrée de la piscine. Le portail claque violemment sur la butée, quelqu’un est passé par là. Arthur me reprend la main et se dirige rapidement vers l’entrée cherchant du regard autour de nous. Des traces visibles sur le sol nous indiquent la présence de quelqu’un ou quelque chose et ça me fait froid dans le dos. Il y a vraiment quelque chose de bizarre dans ce camping. Nous sortons de la piscine et les pas de mon partenaire se font de plus en plus rapides. Je peine à le suivre au point de courir.
« Je vous entends. » dit-il alors que nous poursuivons des bruits dans l’ombre.
Le bruit de pas sur les pins jonchant le sol - un allaitement d’outre-tombe et parfois des petits rires qui glacent le sang des pieds à la tête.
La lampe n’arrive pas à saisir ce que nous traquons, nous percevons ses mouvements mais ils sont toujours plus rapide que nous. Arthur s’arrête brusquement. Je ne sais pas où regarder ni où pointer la lumière. Les bruits semblent venir de partout, nous entourer. Mes jambes tremblent et j’attrape le bras d’Arthur.
« Qu’est-ce que vous faites ici? »
De surprise, un petit cri m’échappe et nous nous retournons alors. La lumière est aveuglante et dirigée sur nous. Un grand roux d’une cinquantaine d’année baisse légèrement sa lampe torche nous permettant de mieux le voir.
« C’est vous qui avez ouvert la piscine ? »
« Non Monsieur ! Quelqu’un est tombé dans la piscine et semble jouer à cache cache avec nous. » Arthur s’est redressé et répond sur le même ton agacé que celui qui nous éclaire désormais. « Vous êtes qui d’ailleurs ? »
« Excusez-moi. Je suis Vincent le propriétaire du camping. J’ai entendu du bruit et je suis venue voir. Une personne vous dites? » Sa voix est devenu plus calme et il a baissé sa lumière.
« Oui il y a des traces de pas. » lui dis-je timidement.
« Mmmmhhh, vous avez du mal voir, c’est certainement un animal. » reprend-il le ton plus sec.
« Pourtant il a ouvert la porte votre animal. » lui répond Arthur avec un agacement légèrement perceptible.
« Oui ben quelqu’un a du oublier de la fermer. Personne n’aime se baigner dans cette obscurité et ce froid. » Le propriétaire de camping nous répond désormais sur un ton dédaigneux.
« Rentrez dans vos tentes. Je n’aime pas que les gens trainent la nuit. » Il fait des gestes rapides nous mimant ainsi de partir.
Arthur se tourne alors vers moi et me regarde. Ses yeux me sondent, me questionnent mais la peur et la fatigue se lisent sur mon visage.
« Je suis désolée Lola, je vous ai fait courir. »
« Ce n’est pas grave mais je pense qu’il vaut mieux qu’on retourne dans nos lits. »
Vincent, le propriétaire, attend impatiemment, les poings sur les hanches, il nous dévisage agacé. Mon compagnon se tourne vers lui pour lui adresser un regard mécontent.
« Je vais te raccompagner » me dit-il ensuite un sourire doux aux lèvres.
20 septembre 2024 - 1h15 - Quatrième nuit :
« Qu’est-ce que c’est !? »
Sursautant, un bruit me sort des bras de Morphée et d’un doux rêve. Quel bruit c’était? Je ne sais plus. L’éveil me sortant de ma torpeur, je ne suis plus sûre d’avoir entendu quelque chose. Peut-être était-ce dans mon rêve? Je me tourne vers Marco qui râle à moitié endormi. Je ne l’ai pas totalement sorti de son sommeil et je m’en félicite. Hier, j’ai mis les choses au point avec lui. Je n’ai pas l’impression qu’il est totalement encore digéré l’information mais pour la première fois, hier après-midi, il est parti seul faire une randonnée. Je suis, pour ma part, partie faire du shopping achetant des souvenirs pour ma famille et rêvassant à Arthur, sa chaleur, sa voix, ses yeux...
Une fois encore, un bruit me fait sursauter. Mais cette fois, je suis assez éveillée pour l’entendre parfaitement. Quelque chose ou quelqu’un vient de gratter sur notre tente et y gratte encore.
« Marco, Marco, réveille-toi !» Paniqué, je secoue mon voisin afin de le réveiller.
« Qu’est ce qu’il y a ? », me répond-il tentant d’échapper à ma main qui tente de le tirer vers le réveil.
« Tu entends ? Quelqu’un gratte à notre tente. »
D’un coup, le bruit cesse et Marco s’assoit l’air somnolant.
« Ma pauvre fille, faut que tu arrête avec tes histoires de fantôme et laisse moi dormir.» Sur ces mots, il se retourne et se recouche, tirant le duvet au dessus de sa tête.
« C’est même pas un fantôme, espèce de con! » lui répondè-je de colère.
Enervée, j’enfile mon sweat, prend la lampe torche et ouvre la tente. Dehors, la nuit est calme, un peu de vent fait bouger les arbres mais quelqu’un rode. Je le sens dans mon bide qui se sert. Un gros soupir et la main de Marco referme brutalement la tente me laissant seule à l'extérieur. J'éclaire autour de moi l’obscurité.
Comme venu de nulle part, un rire diabolique vient me faire à nouveau sursauter. Je m'avance, me tourne, me retourne, ayant l’impossibilité de trouver d’où cela vient. Des respirations me font tourner la tête. Je pointe ma lumière à droite - D'autres bruits effrayants m’orientent sur la gauche vers le chemin où je m'avance. Suis-je encercler? La peur envahit tout mon être. Alors que je me décide à faire demi-tour et retourner dans la tente afin de m’y mettre en sécurité, j’entends des pas et une lumière apparait sur l’allée où je me suis aventurée.
Arthur ne tarde pas à apparaitre la lampe à la main et l’air inquiet sur le visage.
« Lola, vous êtes réveillée ? »
« Oui on a gratté à ma tente. »
A ces mots, nous nous rapprochons rapidement l'un de l'autre. Il me prend dans ses bras et regarde autour de nous avec sa lampe. Je tremble de tout mon corps et me retrouver ainsi collée à lui me réchauffe un peu.
D’un coup, nous entendons un nouveau rire menaçant, presque imperceptible derrière nous. Mon coeur se met à battre à tout rompre et je prend la main d’Arthur. Je l’emmène avec moi alors que je commence, sans que je puisse me contrôler, à marcher vite puis à courir à mesure que les bruits s’accélèrent. Arthur tente d’éclairer autour de nous mais la course l’empêche d’être précis et le faisseau lumineux éclaire au hasard : arbustes, arbres, bosquets, branches... Les bruits sont de plus en plus proches. Les feuilles, les épines de pins, le sol entier remue autour de nous nous forçant à accélérer nos pas.
Un rire tonitruant cette fois me fait serrer plus fort la main d’Arthur et m’arrête dans ma course. Nos mains se détachent l’une de l’autre. Je regarde autour de moi. Je ne sais pas où nous sommes. Je ne connais pas cette partie du camping. Je nous ai perdu. Je peux sentir le dos d'Arthur dans le mien. Je me tourne alors vers lui qui tente toujours d’éclairer l’obscurité. Mon regard traduit mon désarroi et un nouveau rire, plus proche encore se fait entendre.
Arthur reprend alors ma main. A son tour, il me guide plus rapide dans le camping. Le bruit, qui nous pourchasse à présent, semble faire bouger les branches de tous les arbres derrière nous. Ma vue me joue des tours où toute la forêt semble nous poursuivre ? Mes yeux parcourent furtivement chaque coin qui nous entoure alors que je me laisse trainer par mon compagnon. Mon coeur bat si fort que j’ai peur qu’il me sorte de la poitrine.
Arthur s’arrête précipitamment. Mon regard est perdu dans l’osbcurité, affolée, attendant ce qui va en sortir. J’entends une fermeture éclaire. Puis je me retrouve - je ne sais comment - enfermée dans une tente, dans les bras du grand brun aux yeux noirs croisés aux sanitaires, il y a 3 jours.
Les bruits se font alors plus intense autour de nous. Ce qui nous a poursuivi tourne désormais autour de nous, riant et grognant. Parfois, la tente est secouée comme si on voulait la renverser. Arthur me sert alors plus fort contre lui. Nos yeux sondent terrifiés autour de nous. Quelque chose semble courir à l’extérieur et se heurte violemment à la tente. Elle gratte, grogne puis d’un coup, plus rien. Le silence règne à nouveau sur le camping. Nous restons immobile plusieurs minutes attendant un retour qui ne semble finalement pas venir. Je reprends mon souffle avec l’impression d’avoir été en apnée pendant tout ce temps. Arthur relâche un peu son étreinte et je l’entend souffler fort. Je le regarde alors plein de perplexité dans les yeux.
« Est-ce que j’ai rêvé? On nous a poursuivi? Et ses rires? » lui dis-je la voix tremblante.
Arthur se tourne alors vers moi et plonge ses yeux dans les miens. Il prend ma main et la porte à sa poitrine d’où je peux sentir les coups rapides que son coeur donne.
« Vous sentez? Ce n’était pas une illusion. » Il regarde autour de lui. « Mais j’ai l’impression que c’est passé. »
Je sens les muscles fins de son torse sous mes doigts et je n’arrive plus à décrocher mon regard de lui. Mon coeur palpite encore dans ma poitrine. Mes pensées sont confuses. L'électricité parcourt tout mon corps attendant d'être utilisée. Les yeux d'Arthur sont profonds et obscurs. Ils me regardent imperturbables. La chaleur accompagne désormais chaque battement de coeur. Je ressens une irrésistible attraction vers lui. Arthur vient alors poser une main sur mon dos et me rapproche violemment de lui. Collée désormais à son torse, je peux voir ses joues reprendre des couleurs. J’ai chaud dans ses bras et je ne peux m’empêcher de regarder ses lèvres, si tentantes. Il s’approche alors davantage nos bouches s’effleurant. Je sens son souffle chaud sur mon visage.
Mon coeur chauffe de plus belle. J’approche mes lèvres des siennes et nos bouches se touchent délicatement. Puis le baiser devient de plus en plus appuyé. Mon souffle s’accélère. Son inspiration devient profonde. L’excitation monte. La peur a accentué notre attraction. L'énergie qui en découle a besoin de s'évacuer. Indubitablement poussés l'un vers l'autre, Arthur me sert alors plus fort contre lui, écrasant mes seins contre son torse. J’entrouvre la bouche pour inviter sa langue. La sienne est chaude et humide. Nos mouvements se font plus appuyés.
Puis, nous nous séparons pour mieux nous regarder. Arthur a les cheveux en bataille, bien plus que d’habitude comme si nos baisers leur avaient donné une nouvelle vigueur. Ses yeux brillent d’une émotion que je ne saurais percevoir. A l’intérieur de moi, tout semble s’être fondu en un liquide chaud qui vibre au rythme de mon coeur. J’ai envie de lui, de sa bouche, de son corps, de son empreinte sur moi. Je veux ancrer ce moment indispensable à cette nuit effrayante. Je me rapproche de lui, regarde son torse et approche mes mains de la fermeture éclair du sweat a capuche qu’il porte ce soir. Je l’ouvre le regardant dans les yeux, les joues rougissantes. Ses yeux s’assombrissent et il prend désormais un air grave.
« Arrgghh Lola, vous me faites beaucoup d'effet. »
Je suis surprise et mes joues deviennent cramoisies - témoins colorés de mon coeur qui désormais brule tout mon corps.
Il m’attrape mes épaules et rapproche son visage du mien alors que mes mains ont désormais glissé sous son t-shirt touchant son torse chaud.
« Vous êtes sûr que vous en avez envie? » me demande-t-il d’une voix douce.
Bien sûr que j’en ai envie, d’autant plus si tu me le demande comme ça. Décidée à le rassurer sur mon projet pour nous deux, j’éloigne avec peine mes mains de son ventre et vient retiré mon sweat.
"Oui j'en ai envie."
Ses yeux sont désormais ailleurs, perdu entre ses pensées et la vision de mon torse qu’il contemple. Alors que je m’apprête à enlever mon t-shirt, Arthur me reprend les mains et approche son visage du mien pour déposer sur mes lèvres un sage baiser.
« Si vous me le permettez, je préfèrerais vraiment m’occuper de vous débarrassez de tout ces vêtements » me dit-il les yeux brillants de malice.
A ces mots, Arthur vient soulever délicatement mon t-shirt. Ses gestes sont lents et ses yeux me découvrent, éclatant de désir. Mon t-shirt enlevé, il vient du bout des doigts parcourir mes épaules puis descendre sur mes seins qu’il prend en main. Il descend encore sur mon ventre. Ses doigts continuent sur mon dos et remonte pour venir détacher mon soutien gorge. Il le retire délicatement le faisant glisser vers le bas. Il enlève rapidement son t-shirt. Puis ses mains se posent, chaudes sur mon dos et il me ramène à lui afin de m’embrasser à nouveau, introduisant sa langue dans ma bouche dans une longue inspiration. Mes seins froids touchent son torse chaud et poilus. Son odeur m’envahit et ma main droite se faufile dans ses cheveux sauvages.
Une sensation depuis longtemps oublié, se réveille alors dans mon bas ventre. Arthur vient m’allonger délicatement sur son matelas. Puis descends son nez sur mon cou où il inspire profondément, humant ainsi mon parfum. Il descends vers mes seins qu’il embrasse doucement et lèche mes tétons durcit par le froid. Je gémis. Ces gestes sont précis et il semble connaître déjà mon corps. Je remonte sa tête vers moi afin de l’embrasser à nouveau. Il glisse alors sa main dans mon jogging puis dans ma culotte. Nos bouches se séparent et Arthur me regarde avec intensité, le regard sérieux. Il joue avec ses doigts faisant monter la pression entre mes jambes. Arthur est penché sur moi. Ses cheveux fous tombent sur son visage. Ses yeux d’un noir profond se sont encore assombris de plaisir.
Mon coeur se met à battre très fort et je cherche de mes mains son pantalon afin de lui retirer. Un léger sourire s’esquisse sur la commissure de ses lèvres. Il plonge dans mon cou qu’il dévore avidement avant de venir retirer mon bas.
Un sentiment d’urgence m’envahi. Je le veux, là, tout de suite. Je me redresse une fois entièrement nu et l’aide à enlever son pantalon. Puis nus tous les deux, nous nous figeons quelques secondes admirant nos corps respectifs. Arthur se mord la lèvre et une flamme nouvelle éclaire ses yeux. Il se penche vers moi, me forçant à m’allonger et pose ses mains sur mon ventre appuyant doucement. Il les remonte sur mes seins, sous mes aisselles et sur mes bras qui se tendent au dessus de ma tête. De sa main gauche, il vient tenir mes deux mains fermement dans cette position. J’écarte mes jambes et Arthur vient s’appuyer contre moi. Il descend sa main droite, vient toucher à plusieurs reprises mon clitoris, ce qui me fait gémir. Sa main saisi un préservatif qu'il déchire délicatement avec ses dents. L'attente me fait frétiller et Arthur ressert son étreinte sur mes poignets.
Il l'enfile et me pénètre profondément. Nous soufflons en coeur alors qu’il commence à faire des va-et-viens. Ces mouvements sont précis ... urgent. Il se perd en moi, le regard assombris une nouvelle fois. Ses yeux dans les miens, il me pénètre rapidement sans relâche. Je me cambre. Je le sens en moi, si dur. Je gémis et il me répond par de graves râles.Mon coeur bat plus fort, mon corps se réchauffe et je remue mes hanches à son rythme l’encourageant dans ce rythme effréné. Nos corps ne font plus qu’un, ils sont chauds et transpirent. Arthur lâche mes mains et se redresse. Il agrippe mes hanches et les rapproche hâtivement vers lui. Ses cheveux en bataille collent à son front humide. Il est déterminé. Je le trouve beau et mon coeur chauffe encore. Je suis essoufflée mais il reprend de plus belle, me soulevant légèrement et venant me pénétrer plus profondément. Je jouis fortement sous le regard sombre d’Arthur qui me donne des coups de hanches rapides et précis. Sa voix devient plus grave, ses gémissements plus puissant. Il se rapproche à nouveau de mon torse puis jouit à son tour s’écroulant sur moi.
Allongés et essoufflés, l’un à côté de l’autre, nos regards sont perdus sur le tissus détendus de la tente qui nous abrite. Je me tourne alors vers mon voisin de tente, qui pour une fois ne m’inspire aucune colère et je l’embrasse sur la joue. Arthur tourne la tête vers moi et me sourit. Par la force de son bras droit, il vient me rapprocher de lui et relève une couverture sur nous.
C'est ainsi que je m’endors paisiblement.
21 septembre 2024 - 2h30 - cinquième nuit :
Cette fois encore, je n’ai pas fermé l’oeil. Hier, je me suis endormie dans les bras d’Arthur d’un sommeil si réparateur que j’en ai oublié de me réveiller pour rejoindre Marco et éviter ainsi une prise de tête. D'ailleurs, j'en avais oublié son existence. Arthur m’avait toutefois réveillé à temps et permis de rejoindre mon emplacement assez tôt.
Evidemment, mon manque de bol avait voulu que Marco soit déjà réveillé et m’attende un air de colère sur le visage. C’en était suivi une nouvelle prise de tête. Ce que je faisais ne regardait que moi et je croyais avoir été clair avec lui mais bizarrement ce que Marco ne voulait pas entendre, Marco ne l’entendait pas. Comme c’était pratique pour ce trentenaire imbu de sa personne. Il était vivant, en pleine forme et c'était déjà une très bonne chose vu la nuit que je venais de passer. Du moins, une partie d'elle.
Bref, j’avais cessé la conversation aussi vite que j’avais pris mes affaires pour aller prendre une douche. Pendant que l’eau me coulait sur le corps, je ne pouvais m’empêcher de penser à la nuit que j’avais vécu et à Arthur : Que faisait-il en ce moment ? Ou vivait-il ? Allait-on se revoir ? C’était quoi la finalité de notre relation ? Et puis, je me rappelais ce que nous avions vécu avant : N’étais-ce pas un rêve ? N’avais-je pas eu des illusions ? Et si, j’avais été seule que ce serait-il passé?
Je réfléchissais à en parler au propriétaire du camping mais après tout je n’avais rien vu, juste entendu. Surement, me prendrait-il pour une folle. Il n’avait déjà pas été vraiment à l’écoute lorsque nous l’avons croisé avec Arthur la dernière fois. Pourquoi m’écouterait-il cette fois ? J’avais finalement renoncé à ce projets en me promettant de laisser un commentaire sur Booking pour prévenir les futurs vacanciers de ce qui pourrait les attendre.
Enfin, ce n’est pas vraiment cela qui, cette nuit, provoque une nouvelle insomnie. Hier, alors que je m’apprêtais à essayer de retrouver Arthur, excédées par la journée que j’avais passé, Marco me supplia de le suivre. Il voulait que l'on aille boire une bière afin de parler de ce qui c’était passé. Après tout, ce n'était pas une si mauvaise idée. Je l’ai donc suivi avec le nouvel espoir qu’il comprenne que c’était bel et bien fini entre nous.
Arthur, accompagné d’une grande brune aux yeux bleus d’1m80 attachée solidement à son bras avait débarqué dans mon champs de vision. Il me fit un signe discret de la main tandis que la jolie femme lui décochait un bisou sur la joue. Ses joues avaient rosis. Mon corps s’était raidit et je n’écoutais plus Marco. Il avait une petite amie? Je ne l’avais pas vu, ou dormait-elle? Venait-elle de le rejoindre ? Arthur me regarda plusieurs secondes à mesure que je me décomposais. Je voyais flou mais il m’a semblé que la jeune fille me regardait alors que je perdais de plus en plus contenance. Je m’étais donc fait avoir. Il avait profité de quelques moments de liberté pour se taper une touriste inconnue. Pratique, me direz-vous! Des larmes de colère commencèrent à inonder ma vision. Je fus interrompue par une tape sur mon épaule.
"Tu as vu?" Marco me regardait, intrigué.
Il me posait une question mais il du la reposer plusieurs fois car sa voix me semblait si lointaine.
« Tu m’entends ou pas? »
« Qu’est-ce que j’ai vu ? » lui demandais-je sans intérêt.
« La grande brune aux yeux bleus. Je l’ai croisé ce matin à l'accueil. Elle habite dans la même région que nous. Elle n'arrête pas de me regarder. »
Je me tournais vers lui, alors abasourdie. Il était tellement narcissique qu’il croyait qu’elle le regardait LUI et que j’aurais du quoi? Être jalouse? Egal à lui même, Marco fermait les yeux sur ce qu’il se passait entre nous et me demandait une attention immédiate.
« Tu vois, ce que toi tu veux quitter, ben ça plait beaucoup à d’autres. Peut être que je devrais te quitter et partir trouver mieux. Après tout, ce ne sera pas difficile. »
Là, s’en était trop. Il me rendait folle. C’était pas vraiment le moment de me faire chier et il avait mis le doigt là où il ne fallait pas le mettre. M'étant redressée, je me tenais désormais face à lui. La haine avait remplacé les larmes.
« Mais t’es con ma parole ?! Déjà en partant en vacances c’était fini entre nous! Finis, du verbe finir, tu comprends? C’est quel mot que tu n’as pas compris quand je t’ai dit qu’il n’y avait plus d’espoir entre nous. C’est clair pourtant. Ça fait bien longtemps que pour moi, tu peux aller chercher je ne sais quelle nouvelle imbécile qui trouvera ton charme irrésistible. Je m’en fou, m’en contre-fou, on est plus ensemble ! Tu vas l’entendre oui ?! »
Marco, le regard affolé, tournait la tête rapidement pour regarder les gens qui nous observait.
« Calme-toi, on nous regarde. » me supplia-t-il alors, la voix plus faible qu'à l'accoutumé.
« Mais je m’en fou qu’on nous regarde. C’est entre toi et moi là. Tu as compris ce que je te dis ? C’est fini ! Fini depuis longtemps ! D’ailleurs, ça n’aurait jamais du commencer entre nous. J’espère que c’est clair pour toi ? Je veux t'entendre le dire. "
Marco était bouche bée, ses joues étaient rouges et pour la première fois, je le voyais extrêmement gêné.
"Dis le bon sang!"
Il sursauta, repris un peu de contenance et se leva à son tour.
" C'est fini! Qui voudrait rester avec une folle comme toi!" Il avait ressorti son regard hautain mais je n'en avais plus rien à faire.
"Si ça te fais plaisir. Maintenant, on va mettre les choses au clair, toi et moi, c'est la dernière nuit que l'on dort dans le même lieu. Vivement qu'on rentre chacun chez soi. Toi et tes affaires vous serez très bien dans ta garçonnière.»
Sur ces paroles, je me suis retournée. Arthur s’est avancé vers moi mais lui aussi m’avait chauffé et je ne voulais certainement pas m’encombrer d’un homme infidèle après m’être enfin libéré de Marco. Je le détournais alors et partie en beauté, le majeur bien levé dans le ciel.
Mais voilà, maintenant, allongée sur ce putain de matelas, dans cette putain de tente, je ne dors pas. Je me tourne dans tous les sens. Je n’ai pas le coeur léger alors que je devrais l’avoir. Tout ça parce que je rumine, encore et encore sur la stupidité dont je peux faire preuve. Ben oui, tu connais même pas ce type et tu couches avec lui. Ça m’apprendra à faire confiance à n’importe qui.
« Bon ça suffit, tu m'empêche de dormir ! »
Marco, irrité, s’est retourné vers moi m’adressant un regard assassin, regard qui ne le quitte pas depuis mon épilogue de ce soir.
« Casse-toi si t’es pas capable de me laisser dormir! »
Je lève les yeux au ciel, agacée et je me décide de me lever. Même rester dans la tente avec lui m’insupporte, le voyage qui nous attend risque d’être bien long.
Dehors, face à l’obscurité, je me rappelle alors mes craintes. Il se passe quelque chose ici et je ne sais pas ce que je préfère : la présence de Marco ou la présence de... je ne sais quoi. La nuit semble calme et je me prend a ressentir du courage. Sûrement la colère nourrit-elle l'héroïne en moi. Je me mets donc à avancer sur le petit chemin de caillou entouré par la nuit. J'ai soif et je suis trop énervée. Je n'ai pas rempli ma gourde hier soir. Je ralentis mes pas pour être la plus discrète possible. Je ne veux absolument pas croiser Arthur sur la route qui me mène aux sanitaires.
Aucun bruit, la nature est paisible aujourd’hui. Je me surprends à me dire que peut-être tout n’avait été qu'illusion. Tu parles! J’entrevois alors la lumière des sanitaires au loin et j'essaie de me faire encore plus discrète.
Soudain, mon corps s’arrête paralysé. Une sensation étrange m’envahit. Je me sens observée. L’instinct me pétrifie. Devant moi, deux yeux réfléchissent la lumière, un jaune laiteux entourant d'abominables prunelles. Un buisson se dessine autour de cet atroce regard. Figée, dans l’incapacité de bouger, je crois halluciner mais pourtant quelque chose me fixe bel et bien du regard. Petit à petit, l’éclairage reflète sa lumière blafarde sur ce qui semble être des dents. Un sourire macabre apparait au milieu de l’obscurité amplifiée par le buisson. Mon coeur se remet à battre comme pour me donner l’alerte. Il est tant de courir. C’est donc à toute vitesse que je rejoins la lumière, je m’enfonce dans la pièce éclairée guettant les issues. D’un coup, un bras me saisit violemment et je hurle. On m’emporte et je me retrouve dans une douche. Derrière moi, Arthur, essoufflé, referme la porte à clef. La colère monte à nouveau et je tente de passer afin de sortir. Je ne resterais pas ici avec lui, ça non! Mais Arthur me prend dans ses bras pour m’immobiliser et vient poser sa main chaude sur ma bouche.
« Quelqu’un rode ici! »
Sans blague Monsieur je sais tout? Ai-je envie de lui répondre mais j’entends en effet, des pas et je décide de rester avec lui. Les bruits se font plus proches et on peut entendre les portes grincées. Quelqu’un les ouvre une à une faisant trembler mon échine à chacune des ouvertures.
" C'est peut être le patron " murmurè-je à Arthur.
" On verra bien quand notre porte s'ouvrira d'un coup mais j'ai des doutes." me chuchote-t-il.
Ma respiration s’arrête. Je ne sens plus mon coeur battre. Le silence se fait comme à l'affût. Mon sang a refroidi tout mon coeur. Nous sommes en suspend, en attente, de je ne sais quoi mais rien ne semble indiquer quelque chose de positif. Puis le bruit semble cesser. Nous retenons notre souffle, attendant la chute qui semble inévitable. Nos corps se resserrent. L’attente est insoutenable.
Puis d’un coup, ce contact froid, rugueux. Je baisse les yeux. Elle est là, la chose innommable. Elle me touche, attrape ma cheville. Je hurle. Ses doigts longs et sinueux, d’un gris semblant venir d’outre tombe, me tiennent fermement. Je secoue mes pieds. Ses ongles, longs et sales me griffent. Je me sens submergée de terreur. Arthur tente d’écraser la main qui finalement, se retire. J’ai la tête qui tourne, le coeur qui essaie de sortir de ma poitrine. Je ne tiens pas en place.
« Qu’est-ce que c’est ?! Qu’est-ce que c’est ?! » criè-je.
Arthur me prend le visage, me fixe pour me calmer et dépose un baiser chaud sur le haut de mon front.
« Arthur ? Tu es ici ? ».
Une voix féminine raisonne alors dans le bâtiment. Il redresse la tête en direction de la voix, son visage change et on peut y lire l’inquiétude. Arthur ouvre précipitamment la porte de la douche et se dirige à l’extérieur.
Je me retrouve seule, apeurée. Je sors lentement de la douche et regarde autour de moi. Un peu plus loin, Arthur tient le visage de la fameuse brune aux yeux bleus qui le regarde l’air inquiète. Il lui parle mais mon sang bourdonne dans mes oreilles. Je n'entend rien. Cette fois, c’est décidé je me casse d’ici! Effrayée, je décide de ne pas m'attarder et de laisser Arthur s'occuper de sa copine. Je suis de trop et je ne veux pas rester une minute de plus. Ma décision est rapide et mes muscles se mettent rapidement en marche vers la sortie. Je me dépêche motivée par l'urgence qui raisonne dans mes veines. Je prends la direction de ma tente pour y récupérer les clefs de ma voiture et fuir au moins jusqu’à l’aube. Peut-être emmenerais-je Marco si le coeur m’en dit. Mais voilà, les bruits étranges sont présents plus que jamais à l’extérieur et j’entends à nouveau le rire étrange raisonner autour de moi.
« Lola… Lola »
Au loin, j’entends que l’on appelle mon nom - Arthur certainement. Mais je ne suis pas sûre, toujours ces battements violents dans mon coeur qui bourdonnent à mes oreilles. Les feuillages remuent autour de moi. L’obscurité m’envahit. Je me sens menacée et je cours. Je tente de fuir ce qui me poursuit. Mon regard affolé sillonnent l'environnement noir qui m'entoure. Je croix y voir des silhouettes, des mouvements mais peut-être ma peur me joue-t-elle des tours? Pourtant, on me suit et c'est rapide. Je le sens. Mon instinct ne me ment pas et les rires incessants ne font que me confirmer que je suis en danger. Comme un animal pris au piège, je passe d’allée en allée. Mais d’un coup, je m’arrête. Je ne reconnais pas où je suis. Qu’ai-je fait? Où suis-je allée? Je suis perdue. Mes yeux écarquillés tentent vainement de se retrouver dans l’obscurité - Par ici des chalets - par là des caravanes. Tant pis, je tente ma chance. Je m’en vais alors frénétiquement frapper aux portes des habitations.
« Ouvez-moi! S’il vous plait! »
Mais le lieu semble désert. Pas de lumière, pas de vie autour, pas de bruit. Tout est calme, un calme effrayant, un silence oppressant.
Puis subitement, elle est là devant moi. La créature se dessine presque imperceptible dans l’obscurité. Une longue crinières blanches faites de touffes emmêlées entourent un corps décharné, pâle enveloppé dans une vieille chemise de nuit. Mon coeur s’arrête et j’ai l’impression, à ce moment-là, que plus jamais il ne battra à nouveau. Mais la chose me saute dessus et me couche à terre. Mon coeur se remets alors à battre avec plus de force. La lutte commence mais l’enragée qui m’assaille a plus de force, plus de hargne. Elle me griffe de ses longs ongles sales et tranchants. Je cris et je me débat. Mon souffle s’accélère. Je tente de l’attraper par les épaules pour la faire basculer et reprendre le dessus. Sa peau est froide, décharnée. Je peux sentir son squelette sous mes doigts. La femme - car c’est bien une femme - a le regard pris de folie. Les yeux écarquillées, elle bave sur mon visage. J'effectue de grosse tape sur le sol avec mes bras, soulevant ainsi mon corps de quelques centimètres avec l'espoir de la déséquilibrer. Sur le point de tomber à la renverse, elle se penche soudain, passant ses mains autour de mon cou. Je ressens l’emprise de ses doigts. Je n’arrive pas à hurler. Ma tête bourdonne, je tape des pieds, tente de la faire lâcher prise mais plus je me secoue plus elle appuie sur ma gorge. Petit à petit, le souffle me manque et ma vision devient floue.
« Lola! »
Je sens ses cheveux me chatouiller le visage. Mes mains se relâchent à bout de force. C’est comme ça que je vais terminer ma vie ? L’obscurité commence à m’envahir à mon tour. Seul dans ce camping, perdue, abandonnée. Me cherchera-t-on seulement ? Je me sens sombrer.
Brusquement l’air - vivifiant - froid - revient d’un coup. Mes poumons se remplissent, affamée. Mon corps se réchauffe petit à petit. Des bruits sourds parviennent à mes oreilles. J’ouvre les yeux. Je vis.
La femme pousse des cris stridents a côté de moi et je tourne lentement la tête vers les hurlements. Mon cou me fait terriblement souffrir et un râle sort de ma bouche. Arthur est là, il tente d’immobiliser la vieille femme qui se débat comme une furie. Je tente de me redresser doucement, la tête me tourne. Je sens battre mon coeur qui reprend un rythme plus accéléré. Arthur se débat. Il tente de l'immobiliser avec peine mais la femme est sauvage, indomptable.
Je me redresse encore. Il faut que je l’aide. Je ferme mes yeux, essayant de retrouver un peu de ma jugeotte puis tourne le regard autour de moi à la recherche de quelque chose que je ne connais pas pour l’instant. Les yeux dans l’inconnu, je le vois. Il est là, comme une révélation. Je me redresse, me mets debout. Mes jambes ont du mal à me tenir mais je ne leur laisse pas le loisir de se reposer. Je me dirige chancelante vers mon but. Je me baisse et tente de toutes mes forces de déterrer ce vieux piquet salvateur. Je bouge, accrochée au morceau de bois.
Arthur hurle derrière moi. Je me retourne. Il est désormais sous elle, ses bras tendus tentent d'éloigner les mains rageuses de la créature animée de folie. Il faut que je me dépêche. Je mets tout mon poids sur le piquet et le bouge en tout sens. Un nouveau cri d'homme. Mon coeur bat plus fort et le bout de bois sort enfin les pieds de la terre. Je tente une première fois de le soulever. Il tombe de mes mains et je faillis de m'écrouler avec lui.
Je tourne mes yeux vers Arthur. Il ne bouge presque plus. La veille dame l'assène de coup sans répis. Mon dieu ! Vite ! Je ferme les yeux, me concentre et me saisis une nouvelle fois du morceau de bois. Je me retourne. La vieille dame est affalée sur Arthur qui tente désormais de protéger son visage avec ses bras. Tout le restant de mes forces est utilisé à soulever ce piquet au dessus de mes épaules et BAM!
Je frappe un grand coup cette créature enragée. Elle est désarçonnée, touche sa tête et me jette un regard plein de haine. Vidée, je suis moi-même déséquilibrée et je m’écroule à terre. J’ai utilisé toute l'énergie que j’avais en réserve et je n'ai désormais plus la force de me lever. Mes muscles sont douloureux, ma gorge me brûle et je tremble. Heureusement, Arthur n’est pas sonné. Il se redresse, bouscule la femme qui attérrit sur le sol. Il vient me toucher l’épaule et me lancer un regard plein de gratitude. Puis, il attrape le piquet et se dresse entre moi et la vieille folle.
« Arrêtez! » Une voix sortie de nulle part puis le bruit d’un tir.
Quelque chose de rapide touche la femme. Elle grogne et commence à courir vers nous mais s’écroule rapidement au pied d’Arthur qui avait levé le piquet, prêt à nous défendre.
Je me retourne surprise. Le SAMU est là, accompagné d’homme en blouse blanche, à l’air peu commode. Le propriétaire du camping et la grande brune aux yeux bleus ne tardent pas à suivre. La grande femme s’approche de moi et s'accroupit. Elle pose ses mains sur mon épaule et me jette un regard se voulant rassurant.
« Ça va aller. Les secours sont là. Heureusement que mon frère t'as suivi dans le camping.»
Puis, elle se lève rapidement et vient encercler Arthur de ses bras.
« Ne t’inquiète pas Sophie, je vais bien. »
Un peu sonnée par les évènements, je ne comprends pas très bien ce qu’il se passe. C’est donc son frère ? Tout ce qui se passe autour de moi me semble flou, comme lointain. Je perçois alors Arthur qui s’approche de moi. Sa main vient caresser mon cou meurtri par les mains de la folle qui a tenté de m’étrangler. Il vient glisser un baiser sur mon front fiévreux et me prend dans ses bras pour me soulever.
" Je t'emmène te faire soigner et désormais, je ne te quitterais plus."
Merci pour votre lecture